Accès à l’information et à la consultation en oncofertilité pour les jeunes femmes atteintes d’un cancer du sein : une étude basée sur la population

Notre étude est l’une des rares à fournir une vision globale de la transmission de l’information sur les risques de diminution de la fertilité et de l’accès aux consultations d’oncofertilité à l’échelle régionale. Seules 41% des femmes âgées de 40 ans ou moins étaient informées des risques d’infertilité et la proportion de femmes ayant bénéficié d’une consultation d’oncofertilité était de 28%. On note une augmentation des transmissions d’informations et de consultations entre 2012 et 2017. Cette augmentation s’explique par le fait que le deuxième plan national cancer, lancé en 2009, réaffirme que l’information sur les risques d’infertilité post-traitement est un problème majeur chez les patients qui se remettent d’un traitement.

Les études qui documentent l’accès aux conseils en fertilité et l’orientation vers des spécialistes de la fertilité produisent des résultats très différents selon la période considérée, le taux de réponse à l’enquête, le contexte géographique, le contexte culturel, la conception de l’étude et le résultat souhaité. Dans une enquête sur les survivants du cancer diagnostiqués aux États-Unis entre 1999 et 2009 dans l’État de Géorgie, 59 % des personnes interrogées ont déclaré avoir été conseillées sur les risques d’infertilité associés au cancer et à son traitement, mais le taux de réponse à cette enquête n’était que de 25 %. .11. Les taux d’information sur la fertilité ont dépassé 80 % dans une étude américaine plus récente sur les dossiers médicaux 2010-2012 d’un centre complet où des navigateurs de patients à temps plein se consacrent à l’information et à la coordination de la préservation de la fertilité.12et 62% dans une étude américaine monocentrique sur les dossiers médicaux de 2009 à 2013 de grands centres médicaux universitaires privés13. En Europe, une étude néerlandaise rétrospective a montré que bien que le nombre absolu de patientes recevant des conseils en préservation de la fertilité ait augmenté au fil du temps, seuls 9,8 % de tous les patients potentiels avaient moins de 40 ans et étaient pris en charge dans des hôpitaux universitaires en 2011 et référés pour un traitement. .14. Une étude du registre ontarien des jeunes femmes âgées de 15 à 39 ans atteintes d’un cancer du sein qui ont reçu un diagnostic entre 2000 et 2016 a révélé un taux moyen de consultation pour infertilité de 4 % sur toute la période. Cependant, ce chiffre n’a cessé d’augmenter au fil du temps, passant de moins de 1 % en 2000 à plus de 10 % après 2014.15. Une autre étude du registre ontarien des cas de lymphome diagnostiqués entre 2000 et 2018 chez de jeunes patients âgés de 15 à 39 ans a révélé un taux de consultation pour infertilité en augmentation constante, passant de 1 % entre 2000 et 2006 à 7,9 % entre 2014 et 2018.16. Récemment, l’étude PREFER, une étude observationnelle prospective recrutant des femmes préménopausées atteintes d’un cancer du sein précoce, a montré qu’après avoir été informées des risques liés à la chimiothérapie, un conseil complet en procréation réalisé dans l’unité de fertilité était accepté par 34,6% des femmes âgées de 18 à 18 ans. .et 40 ans17. Étude VICAN, sur des survivantes françaises du cancer 2 et 5 ans après le diagnostic de cancer en 2010, 32,6% des femmes ont déclaré avoir reçu des conseils en matière de planification familiale avant le traitement du cancer18.

Comme notre étude, ces études ont toutes constaté que plus l’âge et la parité des femmes au moment du diagnostic sont élevés, plus le recours à l’information et à la consultation est faible. Cela peut être dû à la grande quantité d’informations qui doivent être fournies lors d’une consultation de divulgation. Chez les femmes plus âgées et/ou ayant déjà des enfants, le risque d’infertilité semble moins prioritaire.

Notre recherche comporte plusieurs limites. Premièrement, il peut sous-estimer légèrement la quantité d’informations fournies aux patients. Il est parfois difficile de suivre la transmission des informations par les oncologues. Puisque cette information se trouve dans le dossier du patient, nous supposons que le médecin a discuté avec lui d’éventuels problèmes de fertilité liés à la chimiothérapie. Cependant, la fourniture d’informations peut ne pas être enregistrée à chaque fois, soit parce que le médecin a oublié de l’enregistrer dans le rapport de consultation, soit parce qu’elle a été incluse dans un autre document auquel nous n’avons pas accès. Le fait que la fréquence des données manquantes soit significative pour d’autres variables associées à de faibles niveaux d’information sur les patients est cohérent avec cela (annexe 1A). Les données se perdent plus fréquemment dans les hôpitaux privés, et les informations sur les patients semblent être transmises moins fréquemment dans ces établissements. Cependant, l’importance de ce biais doit être relativisée car il existe également une relation entre la proportion de données manquantes et le fait de ne pas bénéficier d’une consultation d’oncofertilité. Cependant, contrairement à l’information fournie aux patients, la présence d’une consultation peut être déterminée objectivement car nous avons croisé nos dossiers avec deux centres de fertilité de la région.

Une autre limite est que nous n’avons pas considéré le désir des femmes d’avoir des enfants, qui est une considération fondamentale avant de décider de la conservation des gamètes. Malheureusement, il y a peu d’informations à ce sujet dans les dossiers médicaux et nous n’avons pas pu les utiliser pour notre analyse. De plus, nous ne voulions pas interroger directement les femmes pour une raison quelconque. Nous pensions qu’il serait difficile de discuter du risque de réduction a posteriori de la fertilité avec des femmes qui n’en étaient pas informées auparavant. Le fait que nous n’ayons pas interrogé directement les femmes ne nous a pas permis de vérifier si elles avaient été correctement informées, ni leur désir d’avoir des enfants au moment du diagnostic.

En ce qui concerne la défavorisation sociale, nous n’avons trouvé aucune relation significative entre le degré de défavorisation et la transmission d’information ou la récupération de consultation. En revanche, Mahey et al.19 ont constaté que les connaissances concernant le risque des femmes étaient faibles et variaient selon un gradient socio-économique. De plus, dans une étude rétrospective de 2012, Letourneau et al. montre que les femmes sans diplôme universitaire sont moins conscientes des risques d’infertilité20. Le manque de significativité de ce facteur dans notre étude peut être dû au fait que nous avons utilisé un indice de défavorisation écologique et non un indicateur individuel. On constate cependant des inégalités géographiques, les femmes soignées dans les hôpitaux situés dans les capitales régionales étant bien mieux informées et ayant des taux de consultation significativement plus élevés que celles soignées dans les centres éloignés. Cela peut s’expliquer par le fait que seuls deux centres de la région assurant la conservation des gamètes étaient implantés à Toulouse.

Nous avons émis l’hypothèse que le bref délai entre le diagnostic et le début de la chimiothérapie, qui survient lorsque la chimiothérapie est le premier traitement, et en particulier dans le cas d’une chimiothérapie néoadjuvante, peut être un obstacle à la mise en œuvre de la préservation de la fertilité. Nos résultats ne supportent pas cette hypothèse car nous n’avons pas observé d’association entre la réception d’une chimiothérapie néoadjuvante et la transmission d’informations ou le recours à la consultation. Une méta-analyse récente a démontré que pratiquer la préservation de la fertilité après le diagnostic ne semble pas aggraver le pronostic du cancer du sein chez les jeunes patientes mais, comme le soulignent les auteurs de l’étude, il existe un risque de biais dans la sélection des patientes au pronostic favorable. caractéristiques21. Nous avons également examiné les relations à statut triple négatif, qui n’étaient pas non plus liées à la transmission d’informations ou à la prise de consultations. En revanche, les femmes atteintes d’un cancer métastatique précoce étaient significativement moins informées et sous-utilisées par le conseil. Ces femmes peuvent percevoir que discuter de la préservation de la fertilité est une perte de temps « précieux » face à un mauvais pronostic. Cependant, la loi française stipule que toutes les femmes doivent être notifiées. Ainsi, cette obligation d’information peut apparaître contestable en l’espèce22. En revanche, de plus en plus d’équipes s’accordent à le proposer également aux femmes qui recevront une hormonothérapie seule. Cela retarderait le projet de devenir enceinte de 3 à 5 ans, rendant plus difficile pour ces femmes d’avoir des enfants en raison de leur âge avancé et de leur fertilité réduite.23.

La quantité d’informations envoyées, et donc la consultation prise, appartient à l’oncologue. Cet effet des oncologues est en partie lié au profil des patients qu’ils traitent, mais aussi lié au type d’hôpital dans lequel ils travaillent. Les femmes qui sont soignées dans les CHU, et plus généralement celles qui sont soignées dans les capitales régionales, sont plus susceptibles que les autres d’être informées et consultées. L’effet de l’oncologue semble également dépendre du fait que le médecin soit un homme ou une femme, notamment lorsqu’il s’agit d’informer sur le risque d’infertilité. Ces résultats concordent avec l’étude de Shimuzi, qui a montré que les jeunes oncologues et les femmes oncologues sont plus susceptibles de référer leurs patients à des spécialistes de la reproduction.24. Cela suggère qu’une stratégie est nécessaire pour atténuer ce déficit d’accès à la préservation de la fertilité. Plusieurs aides à la décision existent pour les patients, par exemple en Australie25Canada26Anglais27et Europe28,29. Au Canada, une étude quasi-expérimentale a comparé les taux de patientes déclarant avoir été informées de problèmes de fertilité entre deux centres universitaires, dont un seul disposait d’un programme d’infirmières pivots dédié aux jeunes patients atteints de cancer. Des taux d’information autodéclarés plus élevés (+ 20 %) et des taux de référence élevés pour maintenir la fertilité (+ 40 %) ont été observés dans les centres offrant des programmes d’infirmières pivots que dans les centres où il n’y avait pas une telle intervention. Les infirmières pivots filtrent les références aux centres de cancérologie, contactent toutes les femmes âgées de 40 ans ou moins avant ou lors de leur premier rendez-vous et les suivent tout au long de leur diagnostic, de leur traitement et au-delà, en particulier sur les problèmes liés à l’âge, notamment la fertilité, la génétique et la santé sexuelle30. Récemment, un essai randomisé à plusieurs composants a comparé la consultation et l’aiguillage à la demande avec une combinaison de formation des prestataires, d’aide à la décision du patient et d’aide à la navigation.27,31.

Rochelle Samuel

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