Les syndicats français ont lutté contre le président Emmanuel Macron au point de presque bloquer la réforme des retraites. Ils sévissent dans le pays depuis plus de deux mois. Après une longue impasse, les dirigeants syndicaux ont rencontré aujourd’hui le lieutenant-chef Macron Elisabeth Borne pour discuter des questions de retraite.
Les chefs de guilde ont apprécié cote de popularité que les politiciens – tant du gouvernement que de l’opposition – ne peuvent que rêver. Les syndicats français semblent forts, populaires et unis — pour l’instant. Ils ont provoqué des manifestations de plus d’un million de personnes dans tout le pays à trois reprises depuis la mi-janvier. Pourtant, la férocité de leur opposition aux réformes relativement modestes s’explique en partie par leur faiblesse sous-jacente.
Les syndicats sont un paradoxe français – un parmi tant d’autres. En Allemagne ou aux Pays-Bas, ou même en Angleterre, les syndicats ont plus de membres et moins de divisions internes. Ils sont plus enclins à considérer des arguments sur la prospérité à long terme et la stabilité du système de protection sociale. En France, les syndicats sont fragmentés et comptent peu de salariés. Ils sont majoritairement financés par l’Etat et par les taxes professionnelles.
Mais certaines parties du mouvement, issues d’opinions étroites et militantes, ont une culture de rébellion permanente contre les mains de l’État qui les nourrit. D’autres fédérations françaises sont plus « réformistes » mais limitées par le militantisme de leurs rivales.
La France a moins de syndiqués — un peu moins de 9 % de la main-d’œuvre — de n’importe quel grand pays de l’Union européenne. Dans le secteur privé, seuls 5 pour cent des salariés français sont syndiqués. Mais cette faible adhésion se répartit sur huit fédérations syndicales, allant de l’anticapitaliste au chrétien-démocrate, en passant par les réformistes, les patronaux et les sanguinaires.
La Grande-Bretagne et les États-Unis se contentaient d’une seule fédération de syndicats, l’Allemagne de trois. La France en compte huit.
Borne a rencontré le patron du syndicat
Un mortel entre syndicats — ou les syndicats de toutes ces fédérations syndicales — participeront mercredi à une réunion avec le PM Borne à Paris. La rencontre ne durera pas longtemps.
Diborne a déclaré qu’il parlerait de tout sauf de la réforme des retraites, qui a été adoptée par le Parlement par des pouvoirs constitutionnels spéciaux le mois dernier. Il voulait inciter les syndicats modérés à « aller de l’avant » et à discuter de questions telles que des lois pour forcer les entreprises à partager des « bénéfices énormes » avec leurs travailleurs.
Les syndicats insistent pour que l’augmentation de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans (sur sept ans) soit d’abord supprimée. Si Borne refuse de considérer cela (comme il le souhaite), ils sont éliminés.
Après des années de baisse des effectifs et de guerres entre syndicats, Macron et Borne ont sous-estimé la capacité des syndicats à former un front uni contre la réforme des retraites. C’est une grave erreur.
Les syndicats savent que les réformes des retraites sont profondément détestées en dehors de leurs propres rangs étroits. Ils ont vu une opportunité de reconstruire leur force et de recouvrer leur influence.
Macron et Borne espèrent toujours que l’union syndicale éclatera dans les prochaines semaines. Ils pourraient être déçus.
Les gros bonnets et leur calcul ; Qu’est-ce que cela signifie pour Macron
Mais le front général des syndicats cache mal une haine et une jalousie profondes. Diverses fédérations syndicales – notamment les deux plus importantes, la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et la Confédération générale du travail (CGT) – sont dans une lutte permanente d’influence et de survie à bas niveau.
Depuis 2017, la CGT, ex-communiste, anti-réforme et anti-patron, est a perdu son poste comme la fédération syndicale française la plus populaire pour la CFDT, qui se considère comme pragmatique et anti-« libérale » mais pas anticapitaliste.
Le leader de la CGT jusqu’à la semaine dernière était Philippe Martinez, 62 ans, patron syndical français issu du casting central, à la voix rauque et à la moustache tombante. Le patron de la CFDT, Laurent Berger, 56 ans, est un responsable syndical professionnel. Il a le regard inquiet et déterminé d’un entraîneur de football à succès.
La CFDT, traditionnellement « constructive », a soutenu les deux dernières tentatives de réforme des retraites en France en 2015 et 2019. La démarche est impopulaire auprès de nombreux membres et branches de la CFDT, souvent moins « constructives » que la direction nationale. .
A cette occasion, malgré les appels de Macron et Borne à rester neutres, Berger était catégoriquement opposé toute augmentation de l’âge légal de la retraite. En partie, il est basé sur des croyances personnelles. Il a également facilement réprimé ses critiques internes à la CFDT, qui ont été irrités par la baisse du soutien syndical lors des élections de décembre pour les emplois dans la fonction publique.
Berger a conclu un accord avec Martinez et la CGT, et le reste des fédérations : il formerait un large front contre la réforme des retraites mais uniquement aux termes de la CFDT. Il peut y avoir des journées de grèves et de marches mais pas de grèves interminables ou de terrorisme de bas niveau (spécialité CGT) comme des pannes d’électricité ciblées ou des destructions d’infrastructures ferroviaires.
Au niveau national, la CGT et Martinez s’en tiennent à l’accord. Au niveau local, la CGT et d’autres fédérations militantes (telles que la Force ouvrière et le Sud) ont appelé à une attaque ouverte. Il y a eu des pannes de courant et des attaques sur le système de signalisation ferroviaire.
Une alliance syndicale mal à l’aise a perduré – provoquant la colère de nombreuses branches plus militantes de la CGT. Ils accusent Martinez d’être le chien de compagnie de Berger. Lors de la conférence nationale de la fédération de la semaine dernière – la dernière avant la démission de Martinez – son rapport sur « l’état syndical » a été rejeté par les membres.
Tout comme son propre successeur choisi. Deux candidats parrainés par l’aile « encore plus militante » de la CGT ont également été écartés.
Visage insondable représentera donc la plus ancienne et la plus têtue fédération syndicale de France lors de la rencontre d’aujourd’hui avec le Premier ministre.
Sophie Binet, 41 ans, ne ressemble en rien à une dirigeante syndicale française du casting central. Elle a été la première femme à diriger un syndicat qui était encore dominé par des industries lourdes dominées par les hommes, comme les transports et l’électricité. C’est un ancien syndicaliste étudiant représentant la branche des cols blancs de la CGT, l’une des plus faibles.
Ses partisans disent qu’elle éloignera la CGT de son ancienne idéologie, de son obsession anti-patron et se concentrera sur des questions comme le changement climatique et l’égalité des chances pour les femmes. Ses détracteurs disent qu’il ne peut pas réussir là où Martinez a échoué et freiner les excès de la puissante branche transports et énergie de la CGT.
Mais il y a ici un autre paradoxe — un paradoxe dans un paradoxe. Les CFDT modérées sont devenues plus militantes ; L’obstinée CGT a choisi une femme moderne comme chef de compromis.
A court terme, c’est une mauvaise nouvelle pour Macron. Sophie Binet et Laurent Berger, tous deux réformateurs prudents, tous deux farouchement opposés à l’âge de la retraite, étaient déterminés à unir l’alliance syndicale.
A terme, la CGT risque de casser (ce n’est pas la première fois de son histoire). Alternativement, le changement de génération à la CGT peut être un moment décisif dans l’histoire queer des syndicats français.
Elle ne donnerait pas du jour au lendemain à la France le mouvement syndical constructif qui existait en Allemagne ou aux Pays-Bas. Cependant, cela pourrait faire basculer le rapport de force du syndicat français vers la lutte pour le travail au 21e siècle, et non au 20e ou au 19e.
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