« Ils ont fouillé ma maison, et surtout mes outils de travail, mon ordinateur, mon téléphone et mes clés USB. Ils ont utilisé de nombreuses cyber méthodes pour récupérer des données. Puis j’ai été jeté en prison », a-t-il raconté.
Il a ensuite passé 39 heures en détention, interrogé à plusieurs reprises par des agents de la sécurité intérieure de la DGSI, simplement pour, dit-il, faire son travail et couvrir le dossier ultra-sensible de la coopération militaire française avec son allié l’Égypte.
Lavrilleux a finalement été libéré mercredi soir de sa détention à Marseille, et aucune suite n’a été prise à ce stade. Mais un ancien militaire soupçonné d’être l’une des sources a été inculpé et pourrait être jugé.
Son arrestation a choqué d’autres journalistes et militants en France, mais a également soulevé de nouvelles questions sur la manière dont le gouvernement met en œuvre une loi controversée sur la question du secret national, dans un pays censé respecter le droit à la liberté d’expression.
La secrétaire générale d’Amnesty International, Agnès Callamard, a qualifié cette arrestation d' »effroyable » et l’a décrite comme faisant partie d' »une attaque plus large contre les journalistes d’intérêt public cherchant à dénoncer les actions opaques des agences de renseignement françaises ».
Dans le cadre d’incidents sans rapport mais simultanés, la police de Lille, dans le nord du pays, a convoqué jeudi trois journalistes du quotidien Libération pour les interroger au sujet d’une enquête qu’ils avaient rédigée sur le meurtre d’un jeune homme par la police dans le quartier.
« La fin du journalisme »
« Si nous ne protégeons pas les sources, c’est la fin du journalisme », a déclaré Lavrilleux lors d’une conférence de presse organisée à Paris par Reporters sans frontières (RSF).
« Je considère cette arrestation comme un scandale et totalement illégale. Le seul but de cette arrestation est de m’empêcher, ainsi que tous les journalistes, de faire notre travail », a-t-il ajouté.
Lavrilleux a écrit en novembre 2021 un article pour le site d’investigation français Disclose alléguant qu’une opération de contre-espionnage française en Égypte, nom de code « Sirli », a été utilisée par l’État égyptien pour une « campagne d’assassinats arbitraires » contre des passeurs.
Les articles, basés sur des centaines de documents classifiés, indiquent que les forces françaises ont été impliquées dans au moins 19 attentats à la bombe contre des passeurs entre 2016 et 2018 dans la région. Des plaintes concernant ces articles ont ensuite été rapidement soumises aux procureurs par le ministère de la Défense.
La France entretient une coopération militaire étroite avec l’Égypte sous la direction du président Abdel Fattah al-Sisi, accusé par ses opposants d’emprisonner arbitrairement ses opposants. Disclose a indiqué que des agents de la DGSI avaient également interrogé Lavrilleux au sujet d’un article de 2019 concernant les ventes d’armes françaises à l’étranger.
Mercredi, alors que Lavrilleux était toujours en détention, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a refusé à plusieurs reprises de répondre aux questions sur le sujet.
« La nature de votre question ne colle pas au contexte », a-t-il déclaré à un journaliste qui lui demandait après un conseil des ministres, « est-il normal qu’un journaliste passe la nuit en cellule dans un pays démocratique ? »
« Épée de Damoclès »
Disclose, fondée par deux journalistes d’investigation en 2018 et qui compte uniquement sur les dons pour faire fonctionner son site en accès libre, a déclaré que l’objectif de la DGSI était d’identifier les sources utilisées pour les articles qui ont embarrassé les autorités.
La loi française sur la liberté de la presse après sa modification de 2010 précise que « le secret des sources ne peut être violé directement ou indirectement », sauf si « l’intérêt public le justifie ».
Mais les violations de la loi interdisant la divulgation de secrets d’État peuvent entraîner une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison et une amende de 75 000 euros.
Christophe Deloire, président de RSF et qui dirige également une commission pour la liberté de la presse nommée par le président et qui débutera ses travaux le mois prochain, a déclaré que la confidentialité des sources est l’une des « conditions » de la liberté de la presse et que le cas de Lavrilleux montre que les lois actuelles doivent faire de même. fait.
Bien que Lavrilleux n’ait pas été inculpé, il a déclaré qu’il avait toujours une « épée de Damoclès » au-dessus de sa tête.
« Nous avons désormais vu qu’il était possible de mettre en détention un journaliste, la limite a été franchie, alors pourquoi ne pas franchir la limite en poursuivant un journaliste ? » il dit.
« En tant qu’ancien correspondant en Egypte, j’étais soulagé de ne pas être emprisonné sous la dictature égyptienne. Mais finalement, c’est mon propre pays, la France, qui m’a retrouvé et arrêté pour mon travail. »
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