Le gouvernement fragile et chaotique de Barnier est à l’image de la France d’aujourd’hui

La gauche se présente comme « le gouvernement le plus à droite de la Ve République », voire « le gouvernement le plus à droite ». Absurdité.

L’extrême droite dit qu’il s’agit d’un autre « gouvernement macroniste », d’une résurrection des restes des gouvernements centristes défaillants des sept dernières années. C’est en partie vrai mais trompeur.

Les commentateurs des médias ont déclaré qu’il s’agissait d’une « coalition de perdants ». Mais qui a « gagné » les élections de juin-juillet ? Personne ne gagne vraiment.

La gauche comme l’extrême droite parlent d’un « gouvernement en ruine ». S’ils sont unis, ils disposeront de suffisamment de voix à l’Assemblée nationale pour renverser Michel Barnier et ses 39 ministres quand ils le souhaiteront.

Publicité

Il s’agirait cependant d’une coalition d’ennemis. La gauche est-elle prête à s’allier à l’extrême droite pour dénoncer un gouvernement qu’elle accuse d’être d’extrême droite ? L’extrême droite est-elle prête à voter avec la gauche pour détruire un gouvernement qui a promis d’être plus dur face à l’immigration clandestine ?

C’est peut-être comme ça.

Débarrassons-nous de toutes ces absurdités. Rappelons la réalité politique et parlementaire chaotique créée, accidentellement ou non, par les élections législatives anticipées indécises du 30 juin/7 juillet.

Rappelons également que les finances de l’État français sont dans un chaos sans précédent – ​​un chaos sans précédent mais pas un chaos insoluble.

Il s’agit d’un gouvernement d’urgence qui mène des luttes qui reflètent les opinions politiques de ceux qui sont prêts à prendre le risque de gouverner plutôt que de crier.

La nouvelle Assemblée nationale, qui se réunira à partir de mardi prochain, est divisée en trois blocs idéologiques et demi. Ni l’un ni l’autre n’a suffisamment de sièges pour gouverner seul.

La gauche, avec un tiers des sièges dans la nouvelle Assemblée, n’est pas disposée à coopérer avec le camp centriste du président Emmanuel Macron. L’extrême droite, qui espérait gouverner seule, a obtenu 142 sièges sur 577. Marine Le Pen ne veut travailler avec personne et personne ne veut travailler avec elle.

Macron a peut-être nommé un gouvernement de gauche et de centre, mais la gauche refuse tout compromis sérieux sur son programme économique meurtrier. Il est donc inévitable que la France se retrouve avec « l’autre » gouvernement de centre et de centre-droit.

Au cours de son premier mandat de 2017 à 2022, Macron a eu deux Premiers ministres de centre-droit ; Au cours de son deuxième mandat, il a eu deux Premiers ministres originaires du centre-gauche qui ont gouverné en collaboration difficile avec le centre-droit.

Ce gouvernement a un Premier ministre indépendant de centre droit. Les ministres de centre-droit occupent trois postes clés, dont celui de ministre de l’Intérieur. L’ancienne ministre de centre droit, Rachida Dati, reste ministre de la Culture. Didier Migaud, homme politique indépendant de centre-gauche, est devenu ministre de la Justice.

Extrême droite et cascadeurs : qui fait partie du nouveau gouvernement français ?

Tous les autres postes importants – 14 sur 19 – ont été attribués aux trois partis de la coalition centriste de Macron, tandis que 11 postes ont été attribués au parti Renaissance de Macron.

Publicité

Alors, où est le « changement » pour lequel les Français ont voté ? Bonne question. Démocratiquement, il est étrange que le président Macron ait « perdu » les élections de juin-juillet et que son alliance reste en partie ou en grande partie au pouvoir.

Certaines coalitions sont cependant inévitables. Les partis de tendance centrale ont tendance à s’impliquer dans des coalitions parce qu’ils se situent au milieu. Les Français ont voté pour un « changement » dans l’abstrait, mais n’étaient pas d’accord sur ce que devrait être ce « changement ».

Le gouvernement Barnier, chaotique et de courte durée dans ses perspectives, reflète le paysage politique français d’après 2017. La gauche et la droite ne règnent plus. La France est divisée en trois grands blocs : la gauche radicale, l’extrême droite et le centre réformiste mixte.

Les lignes de faille de ces blocs sont fluides. Les hommes politiques et les électeurs de la gauche modérée et pro-européenne ont plus en commun avec le camp centriste de Macron qu’avec la gauche dure « tout démolir » de Jean-Luc Mélenchon. Ils ne l’admettent pas toujours.

Les hommes politiques et les électeurs de la droite pro-européenne modérée ont plus en commun avec le centre qu’avec l’extrême droite populiste-nationaliste-raciste de Marine Le Pen. Ils hésitent à le dire.

Publicité

Le gouvernement Barnier s’est orienté vers la droite dans cette région centrale. Ce gouvernement ne dispose pas de personnalités fortes de centre-gauche. Comme plusieurs commentateurs l’ont souligné, ce navire est un trimaran sans flotteurs ni coque bâbord. C’était inévitable après que plusieurs politiciens de centre-gauche ont refusé d’importantes offres d’emploi.

A droite, le nouveau gouvernement avait une personnalité très forte et très conservatrice en la personne de Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur. Les opinions de Retailleau sur la migration, la sécurité et l’Europe diffèrent légèrement de celles de Le Pen. Sur de nombreuses questions de société, comme le mariage homosexuel ou l’avortement, il penche davantage à droite que Le Pen.

Retailleau est au gouvernement parce qu’il est un haut responsable du centre-droit, un ancien membre des gaullistes, aujourd’hui appelés la droite républicaine. Il a été nommé au ministère de l’Intérieur pour tenter d’empêcher Le Pen de rejoindre la gauche dans la motion de censure.

Sa seule présence n’a pas rendu le gouvernement Barnier violent ou d’extrême droite. En matière de fiscalité et de budget, tout indique que cette administration sera moins dure envers l’économie que son prédécesseur.

Le gouvernement de Barnier, comme les quatre gouvernements de Macron depuis 2017, est réformiste, gestionnaire, participatif et large.

C’est le gouvernement de Barnier, pas seulement celui de Macron. Cependant, la plupart de ses 230 partisans à l’Assemblée sont issus de la coalition centriste de Macron. Il faut donc qu’il s’agisse d’une sorte de gouvernement Macron, pas seulement de Barnier.

Ce fut le gouvernement le plus fragile de la Ve République, à une époque où des décisions fortes et douloureuses devaient être prises pour éviter une crise financière française.

La vraie question n’est pas de savoir si l’équipe de Barnier est d’extrême droite ou macroniste. La vraie question est de savoir si la « gouvernance capable de gérer le chaos » de Barnier peut surmonter le chaos.

Charlotte Baudin

"Faiseur de troubles. Communicateur. Incapable de taper avec des gants de boxe. Défenseur typique du café."

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *