« En France, le compromis est souvent perçu comme une faiblesse »

Loïc Blondiaux est spécialiste des questions de démocratie et de participation politique des citoyens. Professeur au département de sciences politiques de l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, il coordonne, avec Bernard Manin, la publication collective Tournoi de Démocratie Délibérative (« Le tournant démocratique délibératif »).

Avec une Assemblée nationale équilibrée, la France deviendrait-elle ingouvernable ?

Les résultats de ces élections législatives sont le résultat d’un vote proportionnel, avec trois blocs assez comparables. Cette assemblée peut apparaître ingouvernable si on l’envisage selon les catégories utilisées pour analyser le pouvoir sous la Ve République.

Cependant, le pays n’est en aucun cas ingouvernable par rapport aux normes de la plupart des autres démocraties européennes. Le pays n’est pas plus divisé que les parlements allemand ou italien, dont les parlementaires, élus selon un système de vote mixte basé en grande partie sur la représentation proportionnelle, ont su construire un gouvernement de coalition bien plus représentatif de la population et plus efficace que le système français, avec son système de vote majoritaire où le vainqueur remporte généralement tout.

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Jusqu’à récemment, le « facteur majoritaire », qui favorise l’émergence d’une majorité claire en faveur d’un bloc présidentiel, dominait notre système politique, sauf dans les périodes de « vivre ensemble ». (Un terme désignant le moment où le président doit nommer un Premier ministre issu d’un parti opposé au sien.) Cette configuration particulière n’existe plus. Actuellement, aucune force politique ne représente plus du tiers de l’électorat. Aucun des trois blocs ne peut prétendre au pouvoir législatif et exécutif global. D’une certaine manière, cette situation nous offre une opportunité historique de rompre avec la centralisation du pouvoir et de créer une forme de parlementarisation des affaires politiques françaises.

Ces deux dernières années, nous avons vu combien il est difficile de construire de telles alliances à l’Assemblée Nationale. Pensez-vous que les conditions actuelles sont plus favorables ?

La principale différence avec la situation de 2022 est que le président ne peut plus agir comme s’il disposait de la majorité des voix. La Constitution ne lui permet pas d’imposer son choix.

Avec une division en trois au sein de l’électorat, nous sommes acculés. L’exercice du pouvoir doit être adapté à la réalité politique, ce qui implique d’adopter une éthique de responsabilité plutôt qu’une éthique de conviction, pour reprendre les catégories de Max Weber. En d’autres termes, acceptez enfin la négociation et le compromis.

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Pensez-vous que les acteurs politiques en soient capables ?

C’est l’inconnu. L’histoire nous montre que la culture politique ne peut être modifiée en quelques jours. Pour Jean-Luc Mélenchon [radical left-wing La France Insoumise party leader] et Laurent Wauquiez [a leading figure of the right-wing Les Républicains party]toute négociation ressemblerait à une trahison. Cependant, l’heure n’est plus à la radicalité. Compte tenu du rapport de force politique, aucun des deux camps n’avait les moyens de changer fondamentalement la société française à l’encontre des deux autres couches de la population.

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Charlotte Baudin

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