Les actionnaires rejettent la proposition d’inscrire le français dans les règlements des entreprises

Alors que le débat sur la place de la France dans les échelons supérieurs des entreprises québécoises fait des vagues depuis des mois, un groupe représentant les petits actionnaires de la province peine à convaincre les grandes entreprises québécoises et leurs investisseurs de promouvoir le statut juridique de la France.

Le groupe du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) souhaite que les entreprises québécoises consacrent formellement le statut de la France dans leurs statuts, mais la proposition recueille moins de 2 % des voix à chaque fois qu’elle est présentée à une assemblée des actionnaires.

« L’opposition des actionnaires ne reflète pas l’importance de cet enjeu », a déclaré Willie Gagnon, directeur du MÉDAC. « Si ce n’était pas un problème important, nous n’en entendrions pas parler dans les médias tous les quelques mois. »

La proposition du MÉDAC visait à éviter « un autre drame » impliquant la langue, a expliqué Gagnon.

« En reconnaissant le statut officiel de la langue française, on peut éviter les situations où une entreprise québécoise se retrouve sans administrateur francophone ou où les assemblées d’actionnaires se tiennent uniquement en anglais.

Opposition DES ENTREPRISES

Le MÉDAC soumet des propositions aux grandes entreprises publiques québécoises qu’il détient en portefeuille, telles que la Banque Nationale, CGI, Métro et la Banque Laurentienne.

Mais à chaque occasion, les hauts gradés ont recommandé aux actionnaires de rejeter la proposition.

Les membres du conseil d’administration soutiennent que leurs entreprises sont régies par la Charte de la langue française — ou appliquent ses dispositions lorsqu’elles sont sous juridiction fédérale — et n’ont donc pas besoin de modifier les règlements administratifs.

Mais Gagnon croit qu’il y a une différence entre respecter la lettre de la loi et respecter l’esprit de la loi.

« L’esprit de cette loi est de favoriser l’usage courant du français dans les affaires », a-t-il déclaré.

Il a déclaré que la confirmation du statut officiel de la France serait dans cet esprit.

Ivan Tchotourian, professeur de droit à l’Université Laval, a déclaré que l’entreprise québécoise manquait une occasion de faire passer un message sur la langue française.

« Il pourrait être intéressant de faire un peu plus que simplement respecter la loi. C’est bien de respecter la loi, mais vous avez le droit de lui donner un petit air social et de montrer que vous en faites un peu plus », a-t-il déclaré.

De son côté, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) a également rejeté la proposition du MÉDAC. Alors que la Caisse critique certains problèmes linguistiques — par exemple, l’absence d’un francophone au conseil d’administration du Canadien National — la Caisse choisit d’autres moyens de promouvoir la langue française.

« Dans le cadre de notre engagement actionnarial, nous avons eu des discussions avec différentes entreprises au cours desquelles nous avons communiqué nos attentes et notre engagement envers la France », a déclaré le porte-parole de la CDPQ, Maxime Chagnon.

« Il appartient à chacun d’eux de veiller à sa mise en œuvre dans le respect de la loi et à tous les niveaux de l’organisation. Nous n’hésiterons pas à poursuivre le dialogue si nécessaire.

Tchotourian a été surpris d’apprendre que la Caisse n’appuyait pas la proposition du MÉDAC.

« [The Caisse] est une extension du gouvernement du Québec. On sait que le gouvernement essaie de défendre la langue française. J’ai été surpris de voir la position de la Caisse. »

« Je pense que les gens de la communauté ne comprennent peut-être pas le message que la Caisse envoie », a-t-il ajouté. « Je pensais que Caisse était maladroite quand il s’agissait de son message. »

La CDPQ est un contributeur financier du MÉDAC et les deux organismes communiquent régulièrement, souligne Gagnon.

AUTRE ANGLE D’ATTAQUE

Le MEDAC n’a eu d’autre choix que de trouver un autre angle d’attaque pour promouvoir le français au sein des entreprises québécoises.

Le groupe envisage diverses avenues, dont une proposition qui obligerait les entreprises à déterminer si les cadres supérieurs et les administrateurs parlent couramment le français.

« Il est difficile de vérifier si le conseil d’administration compte des membres qui parlent français », a déclaré Gagnon.

« Ces informations doivent être publiques et divulguées par l’entreprise. »


Ce rapport a été publié pour la première fois en français par La Presse canadienne le 25 avril 2022.

Lancelot Bonnay

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